Elevage canin et MSA

Source : Informations S.C.C.
Auteur : Pierre CORREARD

Bien que quelques-uns le contestent encore, il est maintenant admis par une majorité de cynophiles que la pratique de l'élevage des chiens constitue une activité agricole (1), ce qui, malheureusement, comporte plus d'inconvénients que d'avantages puisque, si nous supportons la totalité des charges imposées à l'agriculture, l'éleveur de canidés ne peut que très exceptionnellement prétendre percevoir l'une de ces subventions dont bénéficie le monde rural.
Ainsi, notamment, les jeunes s'installant se voient systématiquement refuser la dotation jeune agriculteur (D.J.A.) bien qu'ils cotisent à la Mutualité Sociale Agricole (M.S.A.).
Compte tenu de la démographie déclinante du monde rural les caisses agricoles connaissent (ou vont connaître rapidement) des problèmes similaires (déficit croissant) à ceux rencontrés par le régime général de la sécurité sociale. Mêmes causes, mêmes effets, les remboursements de frais médicaux baissent, tandis que les cotisations restent stables (ou augmentent).
Dès lors, la Mutualité Sociale Agricole qui a longtemps négligé les éleveurs d'animaux familiers s'intéresse maintenant à ces nouveaux cotisants qui, comme nous le verrons infra, ne bénéficient guère des prestations qui sont servies aux cotisants «ordinaires». S'il a des devoirs (notamment celui de payer ses cotisations), l'éleveur de chiens a aussi des droits et le meilleur moyen pour les faire appliquer consiste à les connaître.

ORGANISATION ET MISSION DES M.S.A.

Sauf exception, les Caisses de Mutualité Sociale Agricole (C.M.S.A.) sont départementales, indépendantes les unes des autres et ont donc, chacune, un fonctionnement autonome. Avec, toutefois, des règlements et des barèmes communs, puisque fixés par des textes législatifs. Chaque caisse est dirigée par un conseil d'administration composé de 3 collèges d'élus :
  • Chefs d'exploitations agricoles indépendants : 10 sièges
  • Chefs d'exploitations agricoles employeurs de personnel : 7 sièges
  • Salariés d'exploitations agricoles : 12 sièges
Elles ont pour mission d'assurer la protection sociale des personnes (employeurs et salariés) relevant du régime de l'agriculture, c'est à dire (2) œuvrant au sein d'entreprises ou exploitations :
  • de culture et d'élevage, de dressage, d'entraînement, de haras
  • dirigées par l'exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles ou lorsque ces activités sont effectuées dans le prolongement de l'acte de production,
  • structures d'accueil touristique ayant pour support l'exploitation agricole
  • effectuant des travaux entrant dans le cycle de production animale ou végétale, d'amélioration foncière agricole ou de création, restauration ou d'entretien des parcs et jardins,
  • forestières (travaux d'exploitation, de reboisement, d'entretien des bois et forêts),
  • de conchyliculture, pisciculture, pêche maritime à pied,
  • artisanales rurales n'employant pas plus de 2 ouvriers,
  • ainsi que les salariés de différents organismes ruraux tels que, entre autres, les M,S.A. et le Crédit Agricole.
CATEGORIES DE COTISANTS

Au même titre que la Sécurité Sociale qui, pour servir les prestations sociales à ses assurés, doit tout d'abord percevoir des cotisations, la M.S.A. encaisse des recettes. Celles-ci sont de 3 types :
  • les cotisations «chef d'exploitation» qui sont dues dès que la surface cultivée est supérieure à la moitié de la surface minimum d'installation (3) fixée pour chaque département ou, si l'importance de l'exploitation ne peut être appréciée par la surface cultivée (cas, entre autres, des élevages d'animaux familiers), lorsque le temps de travail requis par l'exploitation est au moins égal à 1200 heures par an (4),
  • la cotisation de solidarité à laquelle sont assujetties les exploitations dont la surface cultivée est inférieure au 1/8 de la surface minimum d'installation (S.M.I.) ou qui nécessitent un temps de travail compris entre 150 et 1200 heures par an (5),

    Important: ces deux cotisations sont dues même si l'éleveur (ou son conjoint) cotise par ailleurs à un régime non agricole (régime général, profession libérale...),

  • les cotisations des salariés agricoles qui sont dues dès que l'exploitation emploie un salarié, que ce soit à temps partiel (quelques heures par mois suffisent) ou à temps plein. Cotisations identiques à celles dues pour les salariés du régime général et sur lesquelles nous ne nous étendrons pas étant persuadé que, s'il en existe, très peu d'élevages de chiens emploient des salariés.


Il est évident que l'exploitation recourant au salariat agricole sera redevable, en plus des cotisations sociales ouvrières (charges salariales et patronales), de la cotisation «chef d'exploitation». Et que, par ailleurs, si les cotisations «salariés» et «chefs d'exploitation» ouvrent des droits aux prestations sociales (remboursement des frais de maladie), ce n'est pas le cas de la cotisation de solidarité qui n'ouvre, elle, droit à rien du tout.
Par ailleurs, étant donné qu'il est impossible de cumuler les avantages sociaux, ce n'est pas parce que l'on paie deux cotisations (par exemple : une au régime général - à la Sécurité sociale en tant que patron ou employé - et l'autre au régime agricole - chef d'exploitation) que médicaments et frais d'hospitalisation pourront être remboursés deux fois. Enfin, les éleveurs doivent bien prendre conscience qu'employer un apprenti (BEPA ou Bac Pro élevage canin) les contraint à cotiser au régime des chefs d'exploitation. Car nous avons, d'un côté, un apprenti occupé à mi-temps dans l'élevage, ce qui représente déjà (35 heures x 52 semaines / 2) 910 heures de travail et, de l'autre, un maître de stage (l'éleveur) qui doit (6) consacrer au moins autant de temps à l'encadrement de ce jeune. Ce qui donne un total de (910 x 2) soit 1820 heures !

1) Article L. 311-1 du Code rura1.
2) Article L. 722-1 du Code rural.
3) Article L. 722-5 du Code rural.
4) Décret 90-835 du 18 septembre 1990 (Il est à noter que cette valeur (1200 heures) doit être multipliée par le nombre de personnes qui, membres de l'exploitation, participent aux travaux. C'est à dire que, lorsqu'un couple s'occupe d'un élevage de chiens, l'exploitation ne devrait pas être assujettie à la cotisation «chef d'exploitation» si cet élevage demande moins de (2 x 1200) 2400 heures de travail par an.
5) Décret 2003-1032 du 29 octobre 2003, article 1.

LES COTISATIONS

Puisque nous sommes (pour ce qui nous préoccupe) face à deux régimes distincts, il existe aussi deux types de cotisations.

Les cotisations du chef d'exploitation

Elles sont, en principe, calculées en pourcentage de ses revenus agricoles. Avec, toutefois, une exception pour les exploitants dont le revenu fiscal agricole est inférieur à un minimum (voire déficitaire) fixé par texte réglementaire et dont les cotisations seront calculées d'après une assiette forfaitaire, un plancher fixé (pour l'année) à 1000 fois le SMIC horaire. Ce qui, le SMIC valant 7,19 € depuis le 10 juillet 2003 (7), porte l'assiette forfaitaire à 7190 € et rend impossible de payer moins de (environ) 2890 € (environ 19.000 francs) de cotisation annuelle, même si l'élevage est déficitaire, au titre de ces contributions diverses dont nous pensons d'autant plus inutile de fournir l'insipide détail que leurs taux changent assez fréquemment.

A noter :

En cas de difficulté de trésorerie, l'éleveur qui veut éviter de se voir infliger des pénalités de retard (10 % de majoration sur la cotisation dès le 1er jour de retard) qui ne feront qu'accroître inutilement sa dette, ne doit pas attendre d'être relancé par la M.S.A. mais, au contraire, prendre immédiatement contact avec sa caisse, dès réception du bordereau d'appel des cotisations, s'il veut pouvoir négocier un étalement de ses règlements. Pour y siéger, nous savons par expérience qu'il est extrêmement rare que les sections agricoles des tribunaux des affaires de sécurité sociale accordent des dégrèvements de pénalités. Et que, lorsque votre caisse vous accorde des délais de règlement, il faut impérativement qu'un écrit confirme le nouvel échéancier (8).

Particularité des première et dernière années :

L'éleveur qui se déclarerait à la M.S.A. en cours d'année ne se verrait réclamer aucune cotisation sur ce premier exercice mais pourrait malgré tout bénéficier des prestations. Ce qui s'équilibre avec les départs puisque celui qui quitte la profession en cours d'année n'est plus assuré dès cet instant mais doit malgré tout régler les cotisations jusqu'au 31 décembre de l'année de son départ.

Assurance complémentaire :

Bien qu'elle soit obligatoire (articles L. 752-7 et L. 752-2 du Code rural), l'assurance couvrant les accidents de la vie privée (responsabilité civile) ainsi que les maladies professionnelles dont peuvent être victimes tant l'exploitant que son conjoint ou ses aides familiaux, ses associés, n'est jamais proposée d'office par la M.S.A. car c'est à l'exploitant de prendre l'initiative d'y adhérer. Les éleveurs payant la cotisation chef d'exploitation ont donc tout intérêt à vérifier que leur adhésion est complète.

La cotisation du chef d'exploitation est assise sur la moyenne glissante de ses revenus agricoles imposables :
  • soit des trois dernières années (2003, 2002, 2001 pour 2004) si l'exploitation est assujettie à l'un des régimes du réel (9),
  • soit des trois années précédentes (2002, 2001, 2000 pour 2004) lorsque l'exploitation est imposée au forfait agricole.
C'est le conseil d'administration de chaque caisse qui fixe les taux des trois versements de l'année ainsi que leurs dates de recouvrement. Mais attention car les deux premiers paiements ne correspondent pas, chacun, à un tiers de la cotisation annuelle : ces deux appels de fonds peuvent, dans certaines caisses, représenter plus de 90% du total de la cotisation de l'année et le dernier versement ne constitue alors qu'un ajustement. La mensualisation peut, ici, être intéressante, car les prélèvements étant égaux, cela facilite la gestion de trésorerie.

6) Il s'agit, en fait, d'une obligation que comportent tous les contrats de formation en alternance : le maître d'apprentissage doit obligatoirement encadrer le stagiaire tout le temps que celui-ci passe dans l'entreprise.
7) Rappelons que le gouvernement pouvant modifier le SMIC à sa convenance, s'il peut arriver à ce salaire minimum de varier plusieurs fois dans la même année, il peut aussi lui arriver de rester plusieurs années à la même valeur.
8) Soit (ce qui n'arrive pratiquement jamais) c'est la caisse qui vous adresse un courrier, soit, dès que vous rentrez chez vous, c'est vous qui adressez un courrier recommandé rappelant à la personne avec laquelle vous vous êtes entretenu les dates et les montants dont vous êtes convenus.
9) Réel simplifié, transitoire ou normal.


La cotisation de solidarité :

Si les cotisations versées par les chefs d'exploitation peuvent permettre de bénéficier des prestations sociales (à condition de ne pas cotiser aussi à un autre régime), la cotisation de solidarité n'apporte aucune contrepartie, elle est versée à fonds perdus. Il s'agit donc, en fait, plutôt d'une taxe supplémentaire grevant un peu plus les trésoreries des petits élevages.

Cas particulier de la 1ère année :

Si, mais exclusivement pour la première année de cotisation, les revenus de l'année de référence ne sont pas encore connus au moment de la déclaration, la cotisation est calculée sur une assiette forfaitaire égale à 150 fois le S.M.I.C., soit (150 x 7,19_) 1078,50 €. La cotisation de solidarité sera donc, dans ce cas, égale à (16% de 1078,50) 172,56 €.
Si on lit correctement le texte (notamment l'article 6, on en déduit que «pour le calcul de la cotisation de solidarité dont elles sont recevables, les personnes visées à l'article L. 731-23 (ndla : c'est à dire nous) sont tenues de déclarer (u.) le montant de leurs revenus professionnels (agricoles) afférents à l'année précédant celle au titre de laquelle la cotisation est due. La déclaration (...) doit être adressée à la caisse (... à une) date (qui) ne peut être postérieure au 31 octobre de l'année au titre de laquelle la cotisation est due.».
En clair : si la C.M.S.A. vous réclame votre première cotisation en 2004, celle-ci va être calculée sur vos revenus agricoles de 2003. Vous plaçant devant une alternative selon la date de l'avis de recouvrement : soit (généralement après juin ou juillet) les Impôts vous ont déjà adressé votre avis d'imposition et vous pouvez communiquer le chiffre retenu par cette administration, soit vous n'avez pas encore reçu votre avis d'imposition et, comme vous ne pouvez communiquer le chiffre «officiel», votre cotisation de solidarité reposera sur l'assiette forfaitaire.
Dans le cas où votre cotisation serait calculée d'après l'assiette forfaitaire, étant donné qu'une régularisation intervient obligatoirement dès que vos revenus agricoles sont définitivement (officiellement) connus (article 2-111 du décret), votre intérêt commande d'adresser une copie de votre feuille d'imposition à la C.M.S.A. dès que vous la recevez des services fiscaux.
Si, en 1980 (10), elle ne touchait que les cultivateurs, l'oubli fut ensuite réparé quand elle a été étendue aux éleveurs (11). Un texte récent (12) fait le point sur cette "taxe". Elle est due lorsque la surface cultivée par l'exploitant est ou moins égale à 1/8 de la surface minimum d'installation (13) ou, si l'importance de l'exploitation ne peut être appréciée par rapport à la S.M.I., lorsque l'exploitation requiert un temps de travail compris entre 150 et 1200 heures par an. Elle est assise sur les revenus agricoles afférents à l'année précédant celle ou la cotisation est due : les revenus agricoles de l'exercice 2003 pour la cotisation à payer en 2004. Le montant de la cotisation de solidarité est un pourcentage (16%) des revenus imposables au titre de l'agriculture pour l'année qui précède son recouvrement (bénéfice ou forfait agricoles fiscaux), ce qui conduit une grande majorité de ces petits éleveurs qui ne pratiquent pas cette activité pour «faire du fric» (ndlr : comme ils disent !) mais uniquement par passion du beau et bon chien et dont, par voie de conséquence, les «exploitations» sont en permanence déficitaires à échapper à cette taxe, à condition d'être imposé à l'un des régimes du réel. En effet, si le forfait (agricole ou non) permet de se passer d'une comptabilité (encore qu'il vaille mieux tenir ses comptes), ce régime fiscal présuppose à priori que l'exploitation procure un revenu imposable, conduisant l'éleveur de chiens au forfait à déclarer un bénéfice fictif non pas déterminé en fonction de la réalité, de la différence entre ses dépenses et ses recettes, mais fixé d'après le nombre de femelles qu'il possède (14).

Le piège du forfait :

Supposons un département pour lequel la commission a fixé le forfait à 1100 € par femelle et un éleveur disposant de 7 femelles. S'il est au forfait, les 3 premières ne comptant pas, il va devoir déclarer un revenu agricole de 4400 €, qui va s'ajouter à ses autres revenus imposables et augmenter d'autant le montant de ses impôts sur le revenu.
Mais il va devoir aussi payer, en plus, (4.400 x 16%) 704 € de cotisation de solidarité.

Ceci alors que, compte tenu de ses nombreux frais d'expos, concours, déplacements et du fait que, parce qu'il préfère les exposer ou concourir avec, ses chiennes reproduisent peu, ses recettes ne sont pas élevées. Et que, très probablement, il enregistre des pertes. Si cet éleveur était à l'un des régimes du réel, non seulement les pertes de son élevage pourraient, sous certaines conditions, être déduites de ses autres revenus, mais le montant de sa cotisation de solidarité serait égal à zéro.

10) Décret 80-1900 du 29 décembre 1980
11) Décret 90-1087 du 21 décembre 1999
12) Décret 2003-1032 du 29 octobre 2003
13) Valeur qui peut, dans certains départements, être ramenée à 10 % de la S.M.I. par le préfet après avis du comité départemental des prestations agricoles
14) Le montant du revenu imposable à déclarer pour chaque femelle est déterminé départementalement par des commissions au sein desquelles, malheureusement, ne siège aucun éleveur de chiens ou de chats. Il existe un franchise exonérant les 3 premières femelles,


LES CONTRÔLES

Les contrôles des élevages peuvent être effectués par plusieurs types de personnes qui, quel que soit leur corps d'origine, doivent être assermentées. Il peut s'agir d'agents missionnés par la caisse de mutualité sociale agricole, l'inspection du travail agricole et/ou la direction départementale des services vétérinaires qui (15), entre 8 et 20 heures (soit, pendant la journée) ont accès aux locaux et installations où se trouvent les animaux à l'exclusion de la partie des locaux à usage de domicile (16).
Par principe, les inspecteurs du travail et les agents de la M.S.A. s'intéressent plus au respect de la législation sociale qu'aux conditions de vie des animaux alors que, pour les contrôleurs de la D.S.V. ce serait plutôt l'inverse. Mais il ne faut pas oublier que rien n'interdit à ces différents organismes de se communiquer des renseignements.
Le système de la M.S.A. étant déclaratif, les cotisations sont calculées sur la foi des déclarations que le cotisant fait, sous sa seule et unique responsabilité. Contrairement à ce que l'on voit trop souvent, le montant de la cotisation, voire l'assujettissement, ne devraient donc pas résulter de la seule visite d'un contrôleur qui, après inspection des lieux (souvent très brève) et (peut-être) comptabilisation des animaux, fixe les bases de taxation. Ce procédé est contraire à l'esprit d'un système déclaratif qui implique, en toute bonne logique, que la procédure débute par un courrier de la M .S.A. invitant cet éleveur ayant «oublié» de se déclarer à le faire le plus rapidement possible en remplissant les imprimés ad hoc et joints. Et ce n'est que si cette déclaration lui paraît trop éloignée de la réalité que l'agent M.S.A. devrait effectuer un contrôle.

Conseil : N'oubliez pas que, d'une part, tous les documents sont établis sous votre seule responsabilité et que, d'autre part, rien ne vous oblige à signer séance tenante ces documents (si ce n'est cet imprimé vierge) que le contrôleur vous demande (fermement) de parapher avant qu'il ne les emporte en quittant votre domicile. Il est, au contraire, indispensable que vous preniez le temps de vous renseigner complètement avant de (peut-être) signer des choses que vous pourriez regretter ultérieurement. Demandez que l'on vous laisse les imprimés de façon à pouvoir les étudier au calme, lorsque vous serez seul, hors de toute influence. Et, n'ayez aucune crainte, le jour du contrôle, vous êtes déjà en retard et, par conséquent, redevable des pénalités de retard. Votre comportement ne changera donc rien à la note finale.

Ces agents ne peuvent, d'autre part, emporter avec eux en dehors de l'élevage aucun registre, papier officiel, document fiscal (bilans, comptes de résultats, déclarations) qui, par principe, ne doivent jamais quitter l'entreprise. Le texte (17) est, à ce sujet, très clair : «Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole (...) sont tenus de recevoir, à toute époque, les inspecteurs du travail et contrôleurs des services chargés du contrôle et de leur présenter tous documents nécessaires à l'exercice de leur contrôle.». Présenter, verbe qu'un dictionnaire très répandu (18) traduit par : "exposer quelque chose au regard de quelqu'un pour le lui faire connaître. " Certainement pas pour qu'il (elle) l'emporte.
Au mieux, l'agent contrôleur peut vous demander de lui présenter votre dernier avis d'imposition, voire réclamer que vous lui en adressiez une photocopie (19) dans les plus brefs délais. Mais pas emporter l'original de ce document.
Précaution indispensable avant tout contrôle lorsqu'une personne se présente à votre porte (portail) prétendant être dépêchée par une administration, vous devez d'abord vérifier son identité. Et, puisque tout agent assermenté (M.S.A, D.S.V, inspection du travail, etc) est forcément muni d'une carte professionnelle, lui demander de vous la présenter avant de le laisser entrer. Notez son nom et appelez son service (pas avec le numéro qu'il vous donne mais avec celui que vous relèverez dans l'annuaire) afin de vérifier qu'il ne s'agit pas d'une fausse carte. Ce ne sera qu'après ce contrôle que vous pourrez le laisser entrer pour qu'il fasse le sien. C'est, tout du moins, la façon de faire que préconisent les forces de police qui ont constaté que c'est en se faisant passer pour un officiel que beaucoup de cambrioleurs opèrent.

15) Article L. 214-23 du Code rural.
16) Ces agents peuvent aussi pénétrer sur les lieux et dans les locaux d'élevage entre 20 heures et 8 heures (donc de nuit) si le public y a accès ou si une activité y est en cours pendant ces horaires.
17) Article L. 724-11 du Code rural.
18) Bien évidemment, le Petit Larousse.
19) Une simple photocopie car la certification (mention «certifiée conforme» apposée par le maire, un adjoint au maire ou un officier de police judiciaire - gendarmerie ou commissariat) n'existe plus depuis quelques années.


Ce n'est pas aux lecteurs que nous apprendrons qu'élever des chiens relève d'un domaine à la fois spécifique et très peu connu (en dehors des cynophiles), conduisant assez souvent (20), malgré la compétence de ces agents, les contrôleurs MSA à commettre des erreurs d'appréciation, parfois énormes, comme, par exemple, de classer «chef d'exploitation» (et de vouloir le faire cotiser à ce titre) un tout petit éleveur de bergers allemands possédant cinq ou six femelles (dont quelques-unes âgées) ne produisant annuellement qu'une quinzaine de chiots au seul prétexte que son chiffre d'affaires était de 80 000 francs (12196 €). Parce qu'il refusait de céder, l'éleveur dut saisir un T.A.S.S. Agricole pour faire valoir ses droits (voir infra l'opposition), ce qui amena la MSA, en réaction, à porter plainte pour travail dissimulé, ce dont elle fut déboutée par un tribunal correctionnel (21) qui relaxa totalement l'éleveur, décision que le juge civil (TASS Agricole) ne put que suivre.

LA PROCEDURE CONTENTIEUSE

Il est toujours plus raisonnable de tenter de discuter avec la caisse avant d'en arriver au stade ultime de la procédure contentieuse, discussion pour laquelle il vaut mieux connaître les grandes lignes de la procédure.
Première étape : Lorsqu'un éleveur reçoit un bordereau d'appel de cotisations, l'alternative est simple : soit, il est d'accord avec le contenu de ce document et il adresse à la caisse émettrice le montant réclamé dans les délais prescrits, soit, pour une raison quelconque, il n'est pas d'accord et, dans ce dernier cas, il doit réclamer par écrit dans les délais les plus brefs, en respectant un principe fondamental que tout assujetti voulant s'éviter les ennuis doit adopter dans tous les cas : toute demande d'explication ou réclamation doit impérativement être faite par écrit.
Lorsqu'un agent de la MSA prendra téléphoniquement contact avec l'éleveur, ce dernier devra exiger que le contenu de l'entretien lui soit confirmé par écrit, et, au cas où l'agent refuserait d'adresser cette confirmation écrite, ce serait à l'éleveur d'envoyer à la caisse un courrier rappelant les termes de la conversation.

On voit, malheureusement, trop souvent comparaître devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (section agricole) des assujettis plaidant que «monsieur (madame) Untel de la M.S.A, nous avait pourtant dit que", « et auxquels le magistrat pose toujours la question «Je suis prêt à vous croire, mais avez-vous quelque document prouvant ce que vous avancez ?».
L'autre point important est que, lorsque l'on n'est pas d'accord avec une décision de la caisse de mutualité sociale agricole, non seulement la réclamation doit être faite par écrit, mais elle doit aussi être effectuée dans les délais les plus brefs. De toutes façons avant de recevoir la contrainte qui est l'ultime stade procédural avant la saisie plusieurs étapes existent : si aucun accord n'intervient, le redevable recevra d'abord quelques recommandés l'informant que, n'ayant pas réglé à la date prévue, sa cotisation est dorénavant majorée de 10% puis, conformément à ce qu'impose l'article L 725-3 du Code rural, une ultime mise en demeure précédant cette contrainte qui, sauf opposition faite (par l'éleveur) devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (section agricole) dans les 15 jours (pas un de plus) de sa signification, a tous les effets d'un jugement et bénéficie notamment de l'hypothèque judiciaire.

Deuxième étape : Dès le début et sans attendre cette extrémité, l'éleveur s'estimant mal assujetti, ou assujetti à tort, aura entrepris, comme nous l'avons écrit supra, des discussions avec les services de la CMSA afin de faire valoir ses droits (ou ce qu'il croit être ses droits). Si aucun point d'accord n'est intervenu, c'est à partir de la mise en demeure qu'il va lui falloir entamer la procédure judiciaire, en commençant par soumettre son cas à la commission de recours gracieux siégeant à la caisse qui lui réclame des cotisations, démarche sur dossier, donc exclusivement écrite, consistant à soumettre les arguments permettant de penser qu'il a été assujetti à tort. Si cette phase est obligatoire, il est cependant extrêmement rare (22) que le demandeur obtienne satisfaction. Le dossier adressé (en recommandé avec AR) à la commission devra être très soigneusement construit car ce seront les mêmes pièces et argumentaires qui seront réutilisés devant le T.A.S.S.



20) D'après ce que nous exposent, en nombre ma foi assez important, les lecteurs du magazine «VOS CHIENS»
21) TGI de Perpignan, jugement du 29/04/02, n° 02/1040
22) A titre personnel, nous n'avons jamais vu une CRA infirmer une décision de la MSA


Troisième étape : En toute fin de la procédure, lorsque l'huissier lui signifie la contrainte, il ne reste à l'éleveur aux termes des textes en vigueur plus que 15 jours pour adresser une opposition au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (section agriculture) dont l'adresse figure obligatoirement sur les documents, opposition qui, pour être recevable, doit impérativement être motivée, c'est à dire fournir tous les éléments de fait et de droit justifiant la demande. Cette opposition étant suspensive, la contrainte restera en suspens (ne peut être exécutée), tant que le T.A.S.S. n'aura pas rendu son jugement, et, si l'opposition porte sur des éléments fondamentaux (comme, par exemple, lorsque l'éleveur conteste le principe de son affiliation), l'opposition interdit à la M.S.A. de tenter de recouvrer de nouvelles cotisations tant que le problème n'a pas trouvé de solution judiciaire.
Bien entendu, cette procédure est régie par les mêmes règles que toutes les actions civiles. C'est à dire que, si le jugement du T.A.S.S. est rendu en premier ressort (23), il peut faire l'objet d'un appel, alors que, lorsqu'il est rendu en dernier ressort, le seul recours est un pourvoi en cassation. Attention, toutefois, car si interjeter appel suspend l'exécution du jugement rendu par le T.A.S.S. (24), le pourvoi en cassation n'est pas, lui, suspensif.
Etant donné que ce genre d'affaires relève des juridictions sociales, tout au long de la procédure, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire (25) : y compris devant les Cours d'Appel et de Cassation, l'éleveur peut se défendre lui-même ou s'y faire assister par un autre éleveur, le délégué d'une organisation syndicale (26), son conjoint, l'un de ses salariés et, bien entendu, un avocat.

EN GUISE DE CONCLUSION

La détermination et le recouvrement des cotisations sociales occasionnent d'autant plus facilement un volumineux contentieux que les caisses (URSSAF et MSA) adoptent assez souvent une position et n'hésitent pas à recourir au contentieux pour des montants souvent dérisoires par rapport aux frais qu'occasionnent ces nombreux recours.
Mais l'éleveur qui se trouve tout d'un coup confronté à l'une de ces caisses ne doit pas se laisser embarquer sans vérifier point par point les assertions qui lui sont faites par des agents contrôleurs peu au fait de notre activité.
Par ailleurs, certains contrôleurs exercent une forte pression psychologique sur le contrôlé pour le mettre en situation d'accusé, en exigeant que ce soit lui qui apporte la démonstration de sa bonne foi. Ce qui constitue un renversement de ces règles de droit qui attribuent la charge de la preuve à celui qui s'en prévaut, donc à la M.S.A.
Car ce n'est pas, comme on nous en a trop souvent signalé la pratique, à l'éleveur de prouver qu'il n'a pas à être assujetti à l'une des cotisations sociales de l'agriculture mais, au contraire, à la caisse de mutualité agricole de démontrer que l'exploitant remplit les critères d'affiliation, critères que la loi et les règlements ne déterminent pas «à bisto dé naz» (27) ou selon des normes inventées pour l'occasion (28), mais sur une base unique et précise : le nombre d'heures de travail demandées par l'élevage. Donnée qui, contrairement à ce qui se passe pour l'élevage de rapport (bovins et autres ruminants), ne pouvant être normalisée laisse par conséquent la porte ouverte à beaucoup d'interprétations mais aussi le champ libre à toutes les négociations ainsi que quelques possibilités aux éleveurs d'animaux familiers de défendre leurs droits.

23) Ce qui, compte tenu du montant des cotisations réclamées (souvent sur plusieurs années), n'est pas rare.
24) Sauf cas particulier où ce tribunal ordonnerait une exécution provisoire de son jugement, exécution provisoire qui, de toutes façons, pourrait être remise en question par la Cour d'Appel.
25) Mais cependant, compte tenu de l'extrême complexité de la législation sociale, très fortement recommandé.
26) Il s'agira le plus souvent du délégué d'un syndicat professionnel d'éleveurs à condition que ce délégué ne soit pas salarié de ce syndicat.
27) Ce qui, traduit de l'Occitan, signifie "à vue de nez».
28) Comme cet éleveur perpignanais dont nous parlons plus haut qui fut affilié en fonction de son chiffre.